La période malinoise
Autour de la question de l’enseignement, la Belgique d’avant l’indépendance voyait s’opposer «thèse libérale» et «thèse catholique»: qui, de l’État ou de l’Église catholique, devait chapeauter l’éducation? Lorsque la Belgique s’affranchit du joug orangiste, la Constitution de 1831 garantit l’absence d’un monopole d’État en matière scolaire. Dès lors, les deux pôles ont la possibilité d’organiser leur enseignement.
C’est dans ce contexte que le cardinal Engelbert Sterckx fonde à Malines, en 1838, un Institut de Commerce et d’Industrie sous le patronage de Saint-Louis de Gonzague. En pleine révolution industrielle, ce genre d’établissement représente aux yeux des autorités le futur de la prospérité nationale. Bien que situé dans une ville flamande, la base de son enseignement reste le français, langue vernaculaire des décideurs du pays à tous niveaux.
L’arrivée à Bruxelles
En 1857, l’archevêché décide de transférer cet Institut de Commerce et d’Industrie à Bruxelles, officiellement dans le but de toucher une population dont le champ d’action économique s’avère plus large. Bruxelles possède en effet un réseau ferré avancé et de nombreux établissements commerciaux et de crédit. Dans les faits, cette décision résulte en réalité d’une injonction du Saint-Siège. Le pape Pie IX, inquiet des dangers qu’encourait le catholicisme belge, a demandé à Monseigneur Sterckx de fonder un institut de philosophie catholique à Bruxelles, afin de concurrencer la jeune ULB que le Saint-Père soupçonnait de pervertir la jeunesse en l’éloignant de la foi.
Ne voulant pas attiser les rivalités entre catholiques et libéraux, le cardinal intègre simplement le cours de philosophie catholique au programme de son Institut de Commerce et d’Industrie, qu’il va donc installer à Bruxelles. Le cours n’est qu’un complément aux matières déjà enseignées mais, malgré l’insatisfaction du pape, le cardinal Sterckx tient bon.
La rue du Marais
En 1858, l’Institut Saint-Louis s’installe ainsi dans la rue du Marais, où un hôtel de maître est justement à vendre. Le baron Verseyden de Varick et la baronne de Willebroeck viennent de décéder, et leur ancienne demeure semble adaptée au projet éducatif de l’Institut. Sollicitée par courrier, la noblesse bruxelloise sera le principal mécène des travaux à entreprendre. L’hôtel de Varick est démoli et, sur les plans de l’architecte F. Carleer, des bâtiments de style néo-classique sont construits sur son ancien emplacement.
Une partie des élèves inscrits à Saint-Louis y résideront en internes et seront soumis à un horaire des plus stricts! Lever à 5 heures du matin, temps d’étude et de prière encadrant les heures de cours, et un couvre-feu peu propice au noctambulisme...
Les premiers cours
À l’époque, le programme de l’école privilégiait avant tout les sciences exactes, ainsi qu’une belle variété de langues. Peu d’établissements mettaient alors en avant l’enseignement du flamand, souvent méprisé: sur ce plan, Saint-Louis se démarque. Étant donné sa vocation industrielle et commerciale, l’Institut entend d’abord proposer une formation utilitaire.
Cependant, les choses changent dès 1859. Les humanités modernes, considérées comme une section professionnelle préparant aux métiers marchands, sont concurrencées par une autre vision de l’enseignement: une «culture désintéressée», centrée sur l’étude du latin et du grec, et préparant aux études universitaires. Soucieuses de ne pas laisser aux athénées le quasi-monopole de ce type d’études prestigieuses, les autorités ecclésiastiques se sont empressées d’ouvrir une section d’humanités classiques dans cet Institut nouvellement installé à Bruxelles.